Alors que le haut-commissaire aux retraites vient de quitter son poste au gouvernement, va-t-il rester à la tête de la fédération qui réunit les phalanges symphoniques françaises ?
Ce lundi, Jean-Paul Delevoye a présenté sa démission. Une décision prise « de sa propre initiative », selon l’Elysée. Depuis les révélations sur ses treize mandats, dont deux rémunérés, et ses déclarations sous-estimées de salaires, le haut-commissaire aux Retraites était sur la sellette. Face à la mobilisation contre sa réforme, dont la journée de mardi s’annonce décisive, il apparaissait plus que jamais affaibli.
Parmi ses différents mandats, qui faisaient depuis une semaine polémique, en figure un qui concerne tout spécialement le secteur de la musique classique : Jean-Paul Delevoye est président de l’Association française des orchestres (AFO). Cette organisation réunit les différentes phalanges symphoniques françaises avec pour but de promouvoir le secteur, notamment sur le plan politique, à l’instar de la Fevis pour les ensembles instrumentaux et vocaux spécialisés. L’AFO mène également un important travail d’observateur par le biais de publications régulières d’études.
Conflits d’intérêts ?
Le mandat de Jean-Paul Delevoye n’était pas en adéquation avec la Constitution : « Les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l’exercice de toute fonction de représentation professionnelle à caractère national » (article 13). Comment une personnalité aussi expérimentée en politique a-t-elle pu l’oublier ? Jean-Paul Delevoye a répondu à nos confrères du Monde en affirmant : « J’ai fait ces omissions car pour moi, c’était de l’ordre de l’engagement social. »
Les révélations de ces derniers jours nous ont en outre permis d’apprendre que, contrairement à ce que prétendait l’intéressé, Jean-Paul Delevoye cumule actuellement treize mandats, dont onze actifs. Comment a-t-il pu avoir le temps de mener à bien toutes ces activités alors qu’il devait conduire l’une des réformes les plus importantes du gouvernement ? A cela s’ajoute les allers-retours incessants avec ses différents postes entre public et privé, et les éventuels conflits d’intérêts que cela pose.
Mais surtout, Jean-Paul Delevoye a été le pilote d’une réforme qui concerne aujourd’hui aussi les musiciens d’orchestre. La suppression des régimes spéciaux a ainsi conduit une grande partie des musiciens de l’Orchestre de l’Opéra de Paris (qui n’est pas adhérent à l’AFO, mais à la Réunion des Opéras de France) dans la rue. Des concerts symphoniques ont été annulés en région, en raison de la mobilisation contre cette réforme. Le poste de président d’une fédération comme l’AFO ne devrait-il pas être revenir à une personnalité plus neutre d’un point de vue politique ? D’autant plus que sa vice-présidente est une autre figure politique, Catherine Morin-Desailly (UDI), présidente de la commission de la culture du Sénat. Reste maintenant à savoir si par ricochet, la démission de Jean-Paul Delevoye va aussi conduire à son départ de l’Association française des orchestres.
Antoine Pecqueur
(avec l’aimable autorisation de la Direction de la Lettre du musicien)