Image par Brandon Bolender de Pixabay
La mise en place d’un certificat sanitaire, sensible et central dans le calendrier de réouverture estival, sera au cœur des discussions des prochaines semaines. Le point de vue d’Eddy Pierres, directeur du festival Panorama, de Marie Sabot, directrice de We Love Green et de Michel Jovanovic, directeur du festival No Logo.
Eddy Pierres, directeur du festival Panorama, président de la Fédération internationale de festivals De Concert ! (Panorama, Vieilles Charrues, Eurockéennes, Nuits Sonores, Art Rock…)
« À lire les annonces, honnêtement, on ne comprend pas grand-chose, pour l’instant, au calendrier. Nous espérons que le cadre sera précisé pour juillet-août très rapidement. Dans le cas contraire, certains festivals, même adaptés, pourraient jeter l’éponge. Le scénario présenté par le ministère de la Culture en février n’a manifestement pas été retenu alors que depuis trois mois, nous nous appuyons dessus pour rédiger les protocoles en détail. Il faut désormais tout recommencer à zéro. Pour les festivals, on nous parlait de jauge à cinq mille places assises, distanciées, avec restaurants et bars ouverts.
Du côté des salles, les jauges progressives annoncées, 35 % en mai, puis 65 %, puis 100 % ont été remplacées par une limite à huit cents en intérieur et mille en extérieur, totalement incompréhensible, avec un couvre-feu jusqu’à la fin du mois de juin. Tout cela devient très compliqué à décrypter. Espérons que les ministères vont affiner les règles très rapidement. Nous avons besoin d’une information très claire en région, pour éviter le risque d’interprétations au bon vouloir des autorités locales.
Quant au pass sanitaire, nous demandons à en débattre depuis des mois, le sujet n’était pas à l’ordre du jour, nous répondait-on. Et voilà qu’il nous faut le mettre en place en deux mois. Nous n’avons pas milité en sa faveur, mais nous le mettrons en œuvre s’il le faut. Nous voulions simplement pouvoir discuter de ses conséquences en termes d’accueil du public. Est-ce que cela change les règles de distanciation ? De restauration ? Est-ce que cela permettrait de reprendre les concerts debout ? Il serait temps d’anticiper ces discussions pour ne pas se retrouver comme à chaque fois devant le fait accompli, avec l’obligation d’improviser. Surtout, il ne faudrait pas que ce pass, qui vise, espérons-le, à une réouverture plus rapide des lieux culturels, ne se transforme en barrière supplémentaire pour les spectateurs comme pour les organisateurs. »
Marie Sabot, directrice du festival We Love Green, membre du comité festival du Prodiss, syndicat majoritaire des producteurs de concerts
« Le pass sanitaire est très clairement une bonne nouvelle. C’est un outil que nous défendons depuis le premier jour, et que nous avions évoqué aux États généraux des festivals en octobre. Nous réfléchissons depuis des mois à sa mise en place, car il ouvre la possibilité d’organiser des événements de grande ampleur où la distanciation sociale n’est pas possible, en attendant une vaccination plus large, et donc une immunité collective.
Soyons pragmatiques : si une recrudescence du virus se produit l’hiver prochain, le pass sanitaire permettra de ne plus refermer. C’est l’outil de déconfinement par excellence, l’arme de libération de la jeunesse qui est privée de sorties, de rencontres depuis plus d’un an. C’est comme une capote contre le sida. Sortez couvert ! Ce n’est pas un outil de discrimination : les données sont rendues anonymes par l’application, le gouvernement n’aura pas de noms, il faut le rappeler, et les test sont gratuits en France, comme le vaccin, et doivent le rester même s’il faudra sûrement réfléchir à un partage du coût à terme.
En revanche, il serait triste d’avoir un pass sanitaire et que les grands événements ne soient pas autorisés. Il faut que la joie des concerts dépasse la contrainte de l’outil. Et ce pass doit évidemment être le plus simple possible, tout comme les tests le deviendront avec le temps, on le voit déjà. Pas question d’avoir quatre guichets et autant de QR codes pour entrer à un festival. Enfin, si comme en Espagne, la culture peut inciter à se tester, donc à se protéger mutuellement, c’est tout le pays qui en bénéficie. »
Michel Jovanovic, directeur du festival No Logo, sans subvention ni sponsor
« Concernant le calendrier, nous aurions préféré l’avoir il y a deux mois comme dans d’autres pays, certains festivals auraient pu se tenir. Néanmoins, ce sont de premiers engagements, qu’il faudra approfondir. Il ne faut pas s’enflammer, nous avons été suffisamment déçus les fois précédentes.
Pour l’instant, notre festival essaie de se maintenir fin août, avec l’espoir de proposer des concerts debout. Le pass sanitaire me semble utile dans un premier temps car tout le monde n’est pas vacciné, même si on sait que certaines personnes ne viendront pas par principe. C’est une contrainte, mais dans l’état actuel, je ne vois pas d’autres solutions. J’étais moi-même un peu réticent à cette idée, mais en travaillant sur un projet de concert-test en Bretagne j’ai pu constater que la protection des données de santé personnelles était bien réelle. Les garde-fous existent, il faut l’expliquer.
Les gens n’ont plus confiance et c’est dommage, il y a un travail à faire là-dessus. En tant qu’organisateur, on peut être un bon relais. Avoir un test pour venir, ça rendrait les gens plus prudents. De même qu’on ne veut pas louper ses vacances en étant interdit d’avion, on ne voudra pas louper son festival, son spectacle. »