Aide à la culture pendant la crise : le bilan de la Cour des comptes ( La Gazette des communes)

La Cour des comptes a rendu publics le 29 septembre trois audits « flash » sur « les mesures de soutien dans le secteur de la culture pendant la crise sanitaire » (spectacle vivant, patrimoine, cinéma). Au-delà des constats chiffrés, les auteurs tirent le signal d’alarme sur un certain nombre de difficultés à venir.

La Cour des comptes a publié le 29 septembre trois audits « flash » sur trois thématiques différentes : un audit sur le soutien du ministère de la culture au spectacle vivantun autre sur le soutien de l’Etat au patrimoine et un dernier sur les mesures en faveur du secteur du cinéma. On peut en tirer au moins quatre constats.

1 – Satisfecit adressé au ministère de la Culture et à ses opérateurs

A côté des aides transversales (prêt garanti par l’Etat, activité partielle, report de charges sociales, fonds de solidarité etc.) et du mécanisme d’ »année banche » destiné aux intermittents, le ministère de la Culture a soit géré en direct les dispositifs de soutien aux acteurs culturels, soit délégué leur gestion à des opérateurs nationaux sectoriels comme le Centre national de la musique (CNM) ou le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).

Dans son audit flash sur le soutien au spectacle vivant, la Cour des comptes estime que le ministère « a joué son rôle de pilotage, de définition et d’arbitrage quant au calibrage des dispositifs. L’administration centrale comme les services déconcentrés ont également été essentiels en matière de concertation, de diffusion de l’information et de soutien », saluent les auteurs des rapports, qui soulignent le « rôle-phare » de la Rue de Valois et de ses services déconcentrés.

Quant aux opérateurs nationaux, les auteurs du rapport notent leur capacité d’adaptation pour assurer la structuration des dispositifs de soutien, puis l’instruction des demandes et le versement des aides.

2 – Pas d’évaluation des dispositifs de soutien des acteurs culturels

Cependant, la Cour des comptes souligne deux lacunes :

  • l’absence de dispositifs d’évaluation « ex post » (après les faits) de l’efficacité des mesures de soutien ;
  • l’absence de mécanismes permettant de repérer d’éventuels dysfonctionnements (effets d’aubaine, surcompensation…).

Et les rapporteurs de regretter « une logique de guichet », qu’ils expliquent par l’instauration des aides dans l’urgence.

FOCUS

Une architecture générale peu lisible

Les auteurs de l’audit « flash » sur le spectacle vivant critiquent la multiplicité des dispositifs, qui rend l’ensemble difficilement lisible, et nuit « probablement à leur mobilisation au profit de l’ensemble des bénéficiaires potentiels ». Et d’ajouter que « plusieurs études relèvent la prépondérance du recours aux dispositifs transversaux alors que les aides allouées par le ministère ont tendance à se concentrer sur certains bénéficiaires ».

3 – Pas d’anticipation de la sortie de crise

Les rapporteurs envisagent une prolongation de l’impact de la crise jusqu’en 2023, avec, comme conséquence, l’inscription des dispositifs d’aide dans le temps, voire « la probabilité de demandes de pérennisation ».

La Cour des comptes évoquent également un risque de « surproduction » artistique, de disparition « différée dans le temps » d’un nombre important d’artistes. « Le cadencement des sorties des dispositifs transversaux et spécifiques ou leur adaptation à la période de sortie de crise constituera donc un enjeu crucial pour que les aides n’aient pas été accordées en vain », pronostiquent les auteurs.

4 – Patrimoine : effet « surchauffe »

Depuis la maîtrise d’ouvrage jusqu’à la réalisation des travaux, la « chaîne patrimoniale » est sur-tendue, constatent les auteurs de l’audit « flash » sur « Le soutien spécifique de l’Etat au patrimoine pendant la crise sanitaire. »

La Cour des comptes y voient plusieurs explications :

  • l’arrivée de la crise sanitaire dans un contexte où « la soutenabilité de la restauration des monuments historiques avait fait l’objet d’alertes »(1) ;
  • l’absence de « prospective sectorielle précise sur les capacité de réponse de l’ensemble de la chaîne patrimoniale. »

Même si le ministère de la Culture a réparti les chantiers concernés par le plan de relance sur l’ensemble du territoire et l’ensemble des corps de métiers, « l’effet volume est incontestable et renforcé par la fixation de calendriers très serrés. »

A cela s’ajoute un contexte de pénurie de main d’œuvre qualifiée, et de difficultés d’approvisionnements pour certains matériaux. Et les auteurs d’évoquer un « goulet d’étranglement », qui devrait mettre du temps à se desserrer.