LA COUR DES COMPTES ÉTRILLE À RAISON LE PASS CULTURE !
En 2017, la promesse du candidat E. Macron était de donner 500 euros à tous les jeunes de 18 ans pour « consommer » de la Culture : le Pass Culture ! Depuis sa mise en place en 2019 sous une forme expérimentale, le dispositif s’est généralisé et a évolué. Désormais, le Pass Culture comprend une « part individuelle », un chèque alloué à une partie de la jeunesse financé sur le budget du ministère de la Culture, mais aussi d’une « part collective » permettant à des artistes de travailler en réalisant des actions d’éducation artistique et culturelle en milieu scolaire, cette dernière part étant principalement financée sur le budget du ministère de l’Education Nationale.
Nous n’avons cessé de critiquer la part individuelle de ce dispositif ces dernières années et un rapport de la Cour des Comptes vient confirmer nos griefs en dressant un constat très sévère de la situation.
Entre 2019 et mai 2024, la SAS Pass Culture a versé 269,11 millions d’euros à 10 entreprises du secteur privé. La FNAC à elle seule a reçu sur cette période 100,30 millions d’euros et Pathé/Gaumont 42,65 millions d’euros ! De l’argent public coule à flot sur des opérateurs privés sans qu’aucune obligation de service public ou d’emploi ne pèse sur ces derniers. Un scandale d’Etat !
Le candidat Macron s’était engagé en 2017 à la mise en place d’un Pass Culture qui devait être très largement financé par les entreprises bénéficiaires et les GAFAM. Au lieu de cela, le Pass Culture est quasiment exclusivement financé par le budget de l’Etat, et les crédits alloués ont explosé pour la part individuelle entre 2021 à 2024 – passant de 91 M€ à 244 M€ ! Les entreprises ne paient en revanche que 6 % du budget. Sans le dire, la part individuelle du Pass Culture constitue un système d’aide public massif bénéficiant très largement aux entreprises du secteur privé.
La structure choisie par l’Etat, une société à actions simplifiée est dotée d’une gouvernance peu transparente et d’une masse salariale qui augmente significativement année après année (176 équivalent temps plein en 2024 !) sans aucun regard du Parlement. Vue la part de financement public qui fonde le Pass Culture, la CGT Spectacle rejoint les préconisations de la Cour des Comptes appelant à remettre le Pass dans le giron du ministère de la Culture sous la forme d’un opérateur national et à réinternaliser les personnels. Sur le fond, la Cour des Comptes est catégorique : le Pass Culture n’atteint pas ses objectifs. Il contribue, comme nous pouvions le prévoir, à renforcer les inégalités culturelles et les réalités de classes existantes au sein de la jeunesse. Il n’est ainsi par ailleurs pas parvenu à amener la jeunesse vers de nouvelles pratiques culturelles.
Ces constats de la Cour des Comptes arrivent alors même que l’Etat et les Collectivités territoriales se désengagent massivement du financement du service public du spectacle vivant et des arts visuels, dont une des missions centrales est d’aller vers les publics éloignés de la Culture sur le territoire à travers des actions de médiation culturelle et d’éducation artistique et culturelle. La ministre démissionnaire, Rachida Dati, s’est engagée à réformer la part individuelle du Pass Culture en affectant un budget dédié au spectacle vivant et en insufflant davantage de médiation culturelle dans le dispositif. De la poudre aux yeux alors que la Cour des Comptes appelle à une réforme profonde de ce dispositif et que le service public de la Culture attend urgemment des réponses structurelles à la grave crise des financements publics qui se profile en 2025.
Le secteur est exsangue, la part individuelle du Pass Culture inefficace et une gabegie budgétaire, nous revendiquons donc le redéploiement de l’intégralité des crédits de la part individuelle du Pass Culture vers les programmes 131 « Création » et 361 « Transmissions des savoirs » pour permettre de conduire les véritables missions de service public de la Culture et de s’adresser à la jeunesse sur l’ensemble du territoire. Nous demandons en revanche de pérenniser la part collective utile à de nombreux artistes pour conduire des actions d’éducation artistique et culturelle dans le milieu scolaire.
Nous ne pouvons plus admettre que l’Etat verse allègrement de l’argent public, fruit de nos impôts, sur l’industrie culturelle. Le service public des arts et de la culture, ainsi que le secteur non-marchand doivent être refinancés en urgence.
Le 19/12/2024
Fédération Nationale des Syndicats du Spectacle, du Cinéma, de l’Audiovisuel et de l’Action Culturelle CGT.