En suspendant au dernier moment le vote des subventions, le président du conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes relance son bras de fer avec le monde du spectacle vivant, qui en appelle au peuple.
Comme un air de déjà-vu. Le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes a ajourné au dernier moment et sans explication le 10 mars dernier le vote des subventions à des dizaines de lieux de création et de diffusion (théâtres, salles de concerts, festivals…) sur le territoire aurhalpin. Un mauvais coup porté aux acteurs locaux du spectacle vivant, qui, une fois de plus, se retrouvent sans la moindre information sur les moyens que le conseil régional leur allouera en 2023, alors même que l’année est déjà bien engagée en termes de programmation de spectacles. De quoi déstabiliser un peu plus un secteur déjà confronté à de multiples augmentations de charges – notamment énergétiques – et soumis depuis des années à une baisse des subventions de l’État et des collectivités locales. « Les structures que nous représentons sont mises en péril financièrement ; les emplois (permanents et intermittents) sont menacés ; certains lieux vont devoir dans un délai très court recourir au chômage technique, déprogrammer des spectacles, voire fermer leurs portes, dans l’attente d’une date incertaine pour le vote de leurs subventions », s’alarment l’ensemble des organisations professionnelles du secteur dans un communiqué.
L’agacement et la colère sont d’autant plus forts que c’est le même scénario que l’année dernière qui est en train de s’écrire. Pas de communication en amont, l’annonce au dernier moment du report du vote, l’incertitude maintenue jusque tard dans la saison sur le montant définitif des subventions. La région a beau affirmer que « le budget culture a été sanctuarisé et ne baissera pas d’un euro », la méfiance est généralisée. Tout le monde a en tête les plus de 4 millions d’euros rayés d’un trait de plume l’an passé et, pour beaucoup, cette sanctuarisation annoncée ne constitue en rien une garantie. « Laurent Wauquiez finance ce qu’il veut, et en priorité le patrimoine et tout ce qui donne une visibilité au conseil régional », grince un directeur de théâtre.
Tout cela dessine un projet réactionnaire et populiste.
Pascale Bonniel-Chalier y voit avant tout un projet politique lié aux ambitions nationales du président du conseil régional. « Nous avons la conviction que le secteur du spectacle vivant et de la création contemporaine est dans le viseur de Laurent Wauquiez, explique la conseillère régionale écologiste. Il est dans un affrontement idéologique assumé. D’un côté, il déclare la guerre aux artistes et aux intellectuels, de l’autre, il fait passer lors de la dernière assemblée plénière des délibérations sur les anciens combattants et l’attribution de bourses au mérite ; des subventions au patrimoine des particuliers et des petites communes ; et émet le vœu d’une protection du patrimoine religieux en expliquant que les églises sont l’âme de la France. Tout cela dessine un projet réactionnaire et populiste. »
Le conseil régional reste, lui, droit dans ses bottes, comme si la situation était parfaitement normale. « L’étude des demandes est toujours en cours. Les acteurs culturels seront informés début avril des propositions de subvention qui seront formulées pour la commission permanente du mois de mai. » De quoi espérer un versement au mieux cet été et compliquer un peu plus la gestion des lieux de création et des compagnies artistiques qui en dépendent.
Alors le ton monte. Les organisations représentatives du spectacle vivant en Auvergne-Rhône-Alpes dénoncent « l’irresponsabilité de ces décisions et la violence répétée des méthodes employées par l’exécutif de la région ». Elles appellent les élus, « quelle que soit leur sensibilité politique, à s’opposer à cet affaiblissement de la politique culturelle régionale, qui fragilise les structures culturelles et dégrade l’emploi du spectacle vivant » et demandent directement leur soutien aux habitants, en les invitant à signer une pétition en ligne « pour sauvegarder le service public de la culture et de ses emplois en AURA ». Ce n’est plus un bras de fer, c’est une guerre ouverte.
Par Olivier Milot