Les longues carrières des musiciens d’orchestre : comment faire pour « durer » dans le métier ? (France musique)

Image par HeungSoon de Pixabay

La musique est-elle comme un sport de haut niveau ? Pas tout à fait. Les grands sportifs se retirent en général avant d’atteindre 40 ans. Les musiciens, eux, pas avant la soixantaine. Comment font-ils pour mener leur longue carrière à terme ?

« On a beaucoup de chance de faire ce qu’on fait. »

C’est la phrase qui revient toujours lorsqu’on interroge les musiciens d’orchestre sur leur quotidien. S’ils sont unanimes à dire que de vivre de leur passion est un privilège, ils sont inquiets de l’incompréhension qui entoure leur métier. L’actualité autour de la réforme des retraites a propulsé au premier plan les danseurs et les instrumentistes de l’Opéra de Paris qui bénéficient d’un régime spécial, mais les instrumentistes dans les autres orchestres se sentent également concernés. Ils relèvent du régime général du moment où il sont permanents dans une formation. 

« Les musiciens d’orchestre intègrent une formation relativement tard, vers 26, 27 ans, ce qui veut dire qu’il faut aller jusqu’au bout pour toucher la retraite, » explique Jean-Pierre Odasso, trompettiste à l’Orchestre philharmonique de Radio France depuis 30 ans.  Or, un musicien commence très tôt à jouer de son instrument, en général avant l’âge de dix ans, et au moment de se lancer dans la vie active, il a déjà accumulé de longues années de pratique intensive, à raison de plusieurs heures par jour pour certains instruments : « La majorité de mes patients sont les musiciens jeunes en voie de professionnalisation, qui développent les premiers symptômes de surmenage en période de concours, » souligne Coralie Cousin, kinésithérapeute spécialisée dans les pathologies des musiciens. Un rythme qui ne va pas en s’arrangeant avec les années passées à l’orchestre, selon la professionnelle. 

Surmenage et fatigue musculaire, douleurs chroniques et poids de l’âge, sans oublier les aléas de la vie, le musicien d’orchestre n’est pas à l’abri du temps qui passe.  

« Les concertistes durent plus longtemps parce qu’ils sont maîtres de leur carrière, alors qu’un musicien d’orchestre est au service d’un collectif, d’une exigence artistique à laquelle participent tous les musiciens. Et il faut être à la hauteur, » explique Karine Jean-Baptiste, violoncelliste dans la même formation depuis 1991.

Alors comment font-ils pour « durer » dans le métier ? Quels problèmes rencontrent-ils  et comment font-ils pour mener une longue carrière à son terme ?

La vie d’un orchestre n’est pas de tout repos

Rares sont ceux qui se posent cette question au début de leur carrière. « On ne nous apprend pas à durer, on ne nous apprend pas à anticiper quand on est jeune, » répond Jean-Pierre Odasso. Et même si les étudiants font des stages d’orchestre, il n’existe pas de formations sur la gestion d’une carrière sur du long terme au cours des études supérieures.

«  Tant qu’on n’a pas vécu la vraie vie d’un orchestre : l’irrégularité du temps de travail, le stress, les tensions du collectif, les déplacements longs pour cause des tournées, les programmes chargés qui s’enchaînent … on ne sait pas ce que c’est. Et forcement, on n’y est pas préparé, » explique Karine Jean-Baptiste. D’autant plus qu’on n’est pas tous égaux devant le vieillissement – certains musiciens arrivent à 60 ans sans aucun problème. Même au sein d’un orchestre, tous les instrumentistes ne sont pas logés à la même enseigne. Mais le surmenage est un problème que ressentent tous à un moment de leur parcours. « Les violonistes jouent tout le temps, dans tous les répertoires. Ils sont les plus exposés. De plus, leur geste est très répétitif, et leur posture très inconfortable pour le corps. » Avec le temps, les conséquences se font sentir : tendinites, douleurs dans le dos et les cervicales, et les solutions apportées sont le plus souvent personnelles. «  On fait tous un peu avec les moyens de bord. Médecines douces, approches alternatives, et de plus en plus, un suivi régulier par un kinésithérapeute spécialisé. Certains vont même très loin,  jusqu’à l’opération ou un aménagement du temps de travail pour pouvoir continuer à jouer au delà d’un certain âge, » explique la musicienne.

Même constat du coté des cuivres, en particulier avec la trompette, instrument soliste par excellence. « C’est à partir de 55 ans que j’ai clairement senti l’usure : les muscles sont plus fatigués, le jeu me demande beaucoup plus de chauffe, confie Jean-Pierre Odasso qui joue de la trompette depuis l’âge de 5 ans. « Nous passons notre vie à lutter contre un bout de métal.  Notre lèvre, c’est notre point de fragilité, elle est tout le temps sollicitée et les accidents sont fréquents. » Rares sont les trompettistes qui dépassent l’âge de 62 ans, trop de pression : « Nous jouons  souvent « à froid » , sans se chauffer, en plein morceau, alors que toute l’attention est sur nous et que la pression de la performance est très importante. On a toujours l’impression de jouer notre vie à chaque passage. Avec les années, c’est un vrai défi de rester au top. »

La solution c’est d’être  » rétrogradé « , obtenir un poste un peu moins exposé au sein du pupitre. 

« Au lieu d’être synonyme de déclassement, cela nous permet de jouer quelques années de plus », explique le musicien. Parce qu’une dystonie de la lèvre, conséquence des années de surmenage, ne se soigne pas. Il faut changer de métier….

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