Lettre des fédérations internationales à Roselyne Bachelot

Madame la Ministre,

Les fédérations syndicales signataires, qui représentent les professionnels du secteur des arts et du spectacle en Europe, ont été alertées par leurs membres français de la mobilisation de grande ampleur qui se traduit par l’occupation d’une soixantaine de théâtres et lieux de spectacles à travers la France.

Comme dans la plupart des autres pays, ces travailleurs sont confrontés aux conséquences dramatiques de la pandémie de Covid-19 : fermeture des lieux de travail, chômage massif, menaces sur la protection sociale – y compris en matière de santé ou de maternité. L’absence de visibilité sur les conditions de réouverture des salles contribue à détériorer un climat déjà particulièrement anxiogène.

Plus la crise sanitaire se prolonge, plus ses effets à long terme sont préoccupants. Les professionnels sont à bout et ont impérativement besoin d’une écoute attentive de la part des pouvoirs publics.

Les mesures énergiques prises par votre gouvernement pour compenser les effets de la crise sur l’économie française ont permis d’éviter des catastrophes dans un certain nombre de secteurs. Nous déplorons le manque d’ampleur et de cohérence de celles prises en faveur du secteur du spectacle vivant, pourtant l’un des plus fragiles et des plus touchés. En effet, si des aides massives ont bien été déployées en direction des entreprises, c’est beaucoup moins le cas pour les travailleurs dont la situation est la plus précaire, ce qui ne leur permet pas de faire face à la crise.

Ainsi, en dépit des filets de sécurité mis en place au printemps 2020,la perte de revenus moyenne atteint 25 à 30 % pour les artistes musiciens intermittents du spectacle, du fait de la disparition des emplois. Pour l’ensemble des travailleurs relevant de la convention collective des théâtres privés, la masse salariale a chuté de près de 50%.

L’année blanche décidée en 2020 –et dont la reconduction en 2021 n’aura qu’une portée réduite – n’a pas profité aux jeunes artistes ayant récemment rejoint le métier. Ceux-ci sont exclus du dispositif, faute de disposer de l’ancienneté requise pour ouvrir des droits sociaux.

Vous avez encouragé les artistes à travailler et à créer pendant la fermeture, mais votre ministère n’ayant débloqué aucun crédit à cet effet, ces encouragements n’ont pas eu d’effet sur l’emploi rémunéré.

L’État a consacré des dizaines de millions d’euros pour accompagner les entreprises artistiques et leurs équipes, mais ces moyens n’ont bénéficié qu’aux structures bénéficiant déjà d’une aide, les autres demeurant privées d’accès à ces ressources.

La situation du secteur exige un véritable plan de soutien à l’emploi. Chacun le sait, la reprise ne pourra se faire que progressivement, avec un recours à des jauges réduites rendant improbable, voire impossible, toute rentabilité à court terme. Faute des moyens nécessaires pour accompagner cette reprise, le tissu artistique national, dont la France est fière à juste titre, aura les plus grandes difficultés à se relever.

La politique française en matière d’emploi artistique et son dispositif adapté à l’intermittence du spectacle sont souvent montrés en exemple par les artistes d’Europe et d’ailleurs. Il est juste de louer ce modèle vertueux qui contribue au rayonnement de la France, pays de l’exception culturelle. Pour autant, dans la situation que nous connaissons aujourd’hui, ce modèle ne peut à lui seul répondre à la détresse économique que traverse le secteur.

Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, les artistes et l’ensemble des professionnels français que nous représentons ont, plus que jamais, besoin de votre soutien.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, l’expression de notre parfaite considération.

DominickLuquerBenoîtMachuelJohannesStudinger
FédérationInternationaleFédérationInternationaleUNI –Internationaledes arts
Des Acteursdes Musicienset duspectacle

Vendredi 19 mars 2021