Lettre ouverte à Messieurs Delevoye et Riester (SNAM)

Monsieur le Haut-commissaire aux retraites, Monsieur le ministre de la Culture, La Fédération CGT du Spectacle et ses syndicats vous interpellent publiquement afin de vous faire part des inquiétudes sérieuses des professionnels que nous représentons sur la réforme systémique des retraites que votre gouvernement appelle de ses vœux. Depuis le mois de novembre 2019, une concertation sectorielle a été engagée sous votre égide pour aborder la situation spécifique des salariés intermittents du spectacle, des artistes auteurs, des salariés de l’Opéra National de Paris et de la Comédie Française. Si cet échange était attendu par les professionnels, nous ne sommes pas satisfaits de la forme que « cette concertation » a prise car elle n’a pas permis de lever les incertitudes présentes dans le rapport de Monsieur Delevoye. Compte tenu de l’importance du sujet, nous étions en droit d’attendre que la discussion se fasse sur la base d’un projet de loi et surtout d’études d’impacts complètes prenant en compte la diversité des carrières des professionnels du secteur. La remise sur table d’un simple document de vulgarisation du rapport ou la présentation de quelques cas type caricaturaux n’ont fait qu’accroitre notre inquiétude quant à la nature du projet politique du Gouvernement. Aussi, à l’heure où sont écrites ces lignes, nous ne sommes toujours pas en mesure d’éclairer précisément les professionnels du secteur et de leur indiquer quand et avec quel niveau de pension ils pourront espérer compter au moment de la liquidation de leurs droits. Face à ces incertitudes, nous demandons donc au Gouvernement de dévoiler en détail les paramètres précis de cette réforme et de procéder à des études d’impact permettant de mesurer les conséquences de celle-ci pour les professionnels du spectacle. S’agissant spécifiquement des salariés intermittents du spectacle, nous vous avons demandé comment seraient prises en compte les périodes d’assurance chômage ou les dispositifs solidaires inhérents à nos professions. Vous nous avez indiqué que les seules périodes d’assurance chômage seraient financées par la solidarité et que le calcul des points seraient assis sur la base des seules allocations versées ; c’est-à-dire un mode de calcul bien moins favorable de ce qui existe actuellement dans le cadre de notre retraite complémentaire. Nous attendons encore de connaître les modalités précises de calcul des pensions durant ces périodes mais ce premier paramètre laisse présager le pire et, s’il était maintenu, condamnerait toute la profession au minimum vieillesse. S’agissant des salariés de l’Opéra National de Paris et de la Comédie Française, nous vous demandons le maintien des spécificités de leurs régimes de retraite. Comment pensez-vous demain imposer aux danseurs de l’Opéra de Paris une retraite à 62 ans, voire à 64 ans, alors que leur carrière prend fin d’office à l’opéra à l’âge de 42 ans, raison pour laquelle ils bénéficient aujourd’hui d’une faible pension à cet âge ? Nous sommes par ailleurs consternés par les différents arbitrages qui menacent gravement l’avenir du ministère de la Culture. Vous nous ainsi rapporté que reposeraient sur le budget du ministère une partie des cotisations des artistes auteurs pour pouvoir leur garantir une retraite, mais aussi les abattements pour frais professionnels des salariés intermittents du spectacle et des journalistes professionnels. Ce choix est grave et dangereux. Il place l’ensemble des professionnels du secteur sous le couperet des lois de finances qui pourront remettre en cause chaque année ces arbitrages. Mais, il est d’autant plus inacceptable qu’il menace le financement de la création qui est pourtant déjà exsangue. Messieurs les ministres, à ce jour, les conditions ne sont pas réunies pour que nos professions souscrivent à cette réforme car nous croyons qu’elle conduit à abandonner sur le bord du chemin les plus précaires en les livrant à un minimum vieillesse, qui de surcroît ne serait pas revalorisé. Notre Fédération et ses syndicats partagent un projet plus juste. Nous défendons un système de retraite par répartition, à prestations définies, assis sur un principe de solidarité intergénérationnel et financé par la cotisation sociale sur l’intégralité du salaire. Un système de justice sociale prenant en compte, la pénibilité, les périodes de fragilité que peuvent subir les travailleurs, et prenne à bras le corps toutes les épreuves qu’impose le marché du travail. Messieurs les ministres, le 5 décembre, nos professions seront parmi les autres citoyens qui s’inscrivent pour demander le retrait de cette réforme. A Paris, le 28 novembre 2019

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