Cumul d’activités : état des lieux ( La Lettre du musicien)

Avec l’aimable autorisation de la Direction de La Lettre du musicien

Si vous êtes un lecteur avisé de La Lettre du Musicien, vous le savez : les fonctionnaires et les agents contractuels doivent en principe consacrer l’intégralité de leur activité aux missions qui leur sont confiées, et ce, même si l’autre activité exercée est une activité publique. Ce principe est assorti de multiples exceptions qui ont été remodelées par le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020. Néanmoins, entre les cumuls d’activité, l’exercice d’une activité accessoire, la possibilité de créer une entreprise à côté de son activité (1), il n’est pas toujours aisé de savoir dans quel cadre notre situation s’inscrit.
Pourtant, la question est d’importance, car les règles diffèrent et si l’agent public ne les respecte pas, il encourt une sanction disciplinaire. L’Administration peut également se fonder sur le non-­respect de ces règles pour refuser le renouvellement d’un contrat (2). Inversement, si une administration emploie un agent en ne respectant pas les règles afférentes au cumul d’activités ou à l’exercice d’une activité accessoire, alors qu’elle avait connaissance de l’exercice de l’activité principale, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité.
Nous passons en revue ces différents cadres.

Exercice d’une activité accessoire

Un agent public territorial peut cumuler une ou plusieurs activités accessoires à son activité principale, sous réserve qu’elles ne portent pas atteinte au fonctionnement normal, à l’indépendance ou à la neutralité du service. Par exemple, l’agent ne peut pas exercer une activité accessoire qui entraînerait des conflits d’intérêts ou, plus simplement, des conflits d’emploi du temps au détriment de son emploi principal. Ces activités accessoires que peut exercer l’agent sont limitativement énumérées à l’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020. Parmi cette liste figurent l’enseignement et la formation, ainsi que l’exercice d’une activité à caractère sportif ou culturel. Un exemple classique est celui du professeur qui exerce, à côté de son activité au sein du conservatoire, une activité d’artiste-interprète.
Aucune disposition ne limite le temps que l’agent peut consacrer à son activité accessoire si ce n’est, à la marge, celles d’ordre public relatives à la durée hebdomadaire maximale de travail. Néanmoins plus le temps consacré sera important, moins cette activité pourra être qualifiée d’accessoire. La rémunération peut également être un critère.
L’activité accessoire exercée peut être privée ou publique. Dans cette seconde hypothèse, l’exercice de l’activité accessoire ne doit pas être destiné à pourvoir un poste vacant.
Attention : certaines de ces activités accessoires (les services à la personne ou la vente de biens fabriqués personnellement par l’agent) ne peuvent être exercées que sous le régime de l’auto-entrepreneur.
Avant d’exercer cette activité, l’agent doit en demander l’autorisation auprès de son administration (3). Il est important de bien soigner sa demande. En effet, en principe, l’Administration dispose d’un délai d’un mois pour se prononcer. Si elle demande de l’information supplémentaire (dans un délai maximal de quinze jours), elle disposera alors de deux mois pour se prononcer (4).
La demande d’autorisation doit comprendre :
l’identité de l’employeur. Pour une entreprise, cela comprend la dénomination sociale de l’entreprise (c’est-à-dire son nom), son immatriculation (par exemple, au RCS de Nanterre sous le numéro XXX), son capital social, le cas échéant, et son siège social.
À défaut, il est possible d’indiquer la nature de l’organisme pour le compte duquel l’activité accessoire sera exercée ; la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de l’activité accessoire.
En l’absence de réponse à l’agent dans le délai d’un mois (ou de deux mois si l’Administration a demandé de l’information supplémentaire), la demande est réputée avoir été refusée.
L’agent a alors la possibilité d’exercer un recours contre ce refus. Si l’agent exerce de manière irrégulière une activité accessoire, il risque de devoir reverser les sommes qu’il a perçues dans le cadre de cette activité.

Exercice d’une activité privée à but lucratif par les agents publics à temps partiel

Les agents occupant un emploi à temps non complet dont la durée de service hebdomadaire n’excède pas 70 % de la durée légale du travail peuvent exercer une ou plusieurs activités privées lucratives (1). L’agent doit alors les déclarer auprès de son administration. Cette déclaration doit contenir la nature de l’activité exercée ainsi que, le cas échéant, la forme et l’objet social de l’entreprise, son secteur et sa branche d’activité.
Par ailleurs, un agent qui souhaite créer ou reprendre une entreprise ou exercer une activité libérale peut demander à bénéficier d’une autorisation de service à temps partiel (5). La demande doit être présentée au moins trois mois avant la date de création ou de reprise de l’entreprise ou avant le début de son activité. L’autorisation délivrée ne peut excéder trois ans à compter de la création, de la reprise de l’entreprise ou du début de l’activité libérale.

Cumul d’emplois publics

L’agent qui dispose d’un emploi public à temps incomplet peut le cumuler avec un autre emploi public à temps incomplet (6). Dans cette situation, la durée totale de travail ne peut pas excéder 115 % de la durée de temps du travail correspondant au temps complet de l’emploi occupé par l’agent.
Lorsque l’agent dispose d’un emploi public rémunéré à temps complet, le cumul est également possible, à condition toutefois que : l’activité n’excède pas 15 % du temps complet ; l’emploi cumulé s’exerce dans une collectivité publique ou un établissement autre que celui qui le rémunère.
Dans les deux situations, le plafond du temps de service se calcule par rapport à la durée du temps de service fixée par les statuts (7). Par exemple, les titulaires assistants spécialisés d’enseignement artistique ont une durée de travail hebdomadaire de 20 heures. Si un agent titulaire assistant spécialisé d’enseignement artistique occupe un autre emploi à temps incomplet, sa durée totale du temps de travail ne pourra pas excéder 23 heures (soit 115 % de 20 heures).
Pour les agents contractuels, la question du cumul pose plusieurs difficultés. D’une part, le décret n° 91-298 du 20 mars 1991, qui institue ce cumul d’emplois publics, n’est en principe pas applicable aux agents publics contractuels (8). D’autre part, les enseignants artistiques contractuels n’ont aucun droit à se voir appliquer le cycle hebdomadaire ou la durée statutaire des enseignants fonctionnaires (9). De ce fait, le plafond du temps de travail pourrait ne pas être calculé sur la base de la durée statutaire du temps de travail, applicable aux enseignants artistiques.

Activités sans autorisation préalable

Enfin, certaines activités peuvent être exercées sans autorisation ni déclaration. Il s’agit de la production d’œuvres de l’esprit ou encore de la possibilité, pour les personnes pratiquant des activités à caractère artistique, d’exercer une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions 1.
Entreraient dans cette catégorie des cours particuliers donnés par un enseignant artistique à son compte.

1 Art. 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
2 CE, 19 décembre 2019, req. n° 423685.
3 Art. 12 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020.
4 Art. 13 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020.
5 Art. 16 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020.
6 Art. 8 du décret n° 91-298 du 20 mars 1991.
7 CE, 20 décembre 2011, req. n° 317792.
8 CAA Bordeaux, 14 novembre 2008, req. n° 06BX01519.
9 CAA Versailles, 21 septembre 2006, req. n° 05VE00071.

Anne Migault et David Pilorge

https://www.lalettredumusicien.fr/s/articles/6768_340_cumul-dactivites-etat-des-lieux?uid=NzUzNjE%3D&idarticle=6768

20 Commentaires sur “Cumul d’activités : état des lieux ( La Lettre du musicien)

  1. Agnès says:

    La règle des 115% s’applique effectivement aux agents publics (à temps plein ou non).
    En revanche les vacataires ont un autre statut juridique. Les vacations n’entrent donc pas dans le calcul des 115%.

  2. Pierre Monse says:

    Bonjour,
    Dans le cas de votre réponse précédente, les vacations ne sont pas soumises à l’obligation de demander une autorisation de cumul?

    C’est ce que je comprends dans votre dernier paragraphe:
    Activités sans autorisation préalable

    Enfin, certaines activités peuvent être exercées sans autorisation ni déclaration. Il s’agit de la production d’œuvres de l’esprit ou encore de la possibilité, pour les personnes pratiquant des activités à caractère artistique, d’exercer une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions 1.
    Entreraient dans cette catégorie des cours particuliers donnés par un enseignant artistique à son compte.

    Merci de votre réponse

    • Agnès says:

      le prérequis est que l’activité annexe ne doit pas interférer ni en terme de temps de travail ni en terme de conflit d’intérêt.
      il est admis d’avoir une activité annexe « découlant de ses fonctions », donc un prof de musique assurant une vacation pour être jury à l’examen du conservatoire voisin entre dans ce cadre là, de même pour une masterclass ponctuelle.
      mais si la question est de savoir si on peut être prof de musique titulaire dans un conservatoire et assurer des heures d’enseignement dans un autre conservatoire sous le statut de la vacation, la réponse est non, la jurisprudence interdit la vacation pour l’enseignement continu.

      • Vappou Yolande says:

        Bonjour Agnès,
        Je suis PEA à temps complet et je souhaiterais donner quelques cours particuliers privés afin de compléter mes revenus. Cette activité est-elle considérée comme une profession libérale, auquel cas, une demande d’autorisation n’est pas requise ou bien est-elle considérée comme une activité accessoire ? Devrais-je créer une auto-entreprise ou bien pourrais-je être rémunérée par CESU ?
        Je vous remercie d’avance pour vos réponses.

        • Agnès says:

          Bonjour, Yolande
          « Activités sans autorisation préalable
          Enfin, certaines activités peuvent être exercées sans autorisation ni déclaration. Il s’agit de la production d’œuvres de l’esprit ou encore de la possibilité, pour les personnes pratiquant des activités à caractère artistique, d’exercer une profession libérale découlant de la nature de leurs fonctions 1.
          Entreraient dans cette catégorie des cours particuliers donnés par un enseignant artistique à son compte.
          »
          Vous n’avez donc pas besoin de demander d’autorisation.
          Concernant la déclaration, le CESU est effectivement une solution plus simple que l’auto-entreprenariat. MAIS… si vous êtes au CESU, il faut une demande d’autorisation car c’est du salariat. En revanche si c’est une auto entreprise, vous n’aurez pas besoin d’autorisation.

  3. MP says:

    Bonjour,
    Etant AEA Principale de 1ère classe à temps complet dans une collectivité publique, j’enseigne également dans une école associative. La règle des 115% s’applique-t-elle en ce cas? Si oui, quels sont les risque encourus si l’on dépasse un peu (de moins d’une heure par semaine), pour moi comme pour les établissements dans lesquels je travaille? Merci par avance de votre réponse.

    • Agnès says:

      Bonjour,
      Un agent contractuel peut cumuler plusieurs emplois permanents dans la fonction publique territoriale. Toutefois, contrairement au fonctionnaire la durée maximale hebdomadaire de service n’est pas règlementée. En effet, Le décret 91-298 du 20 mars 1991 relatif aux emplois permanents à temps non complet qui pose la limite de la durée totale de service à 115 % ne concerne que les fonctionnaires. Toutefois, bien qu’à ce jour la jurisprudence ne tranche pas cette question, plusieurs réponses ministérielles indiquent que sous réserve de l’interprétation du juge, la limite des 115% pouvait s’appliquer aux agents contractuels (QE 11929 du 08.02.1996 et QE 07239 du 26.03.2009)
      (source : centre de gestion du Gard)

      un agent à temps complet peut occuper un ou plusieurs emplois à temps non complet dans la limite suivante :

      Fonctionnaire : la durée totale de travail ne peut excéder de plus de 15% de celle qui correspond à un emploi à temps complet, soit 40 heures, conformément à l’article 8 du décret 91-298 du 20 mars 1991 ;
      agent contractuel : la durée totale de travail n’est pas précisée par les textes. Le décret 91-298 du 20 mars 1991 s’applique en principe aux seuls fonctionnaires. (source : centre de gestion de Seine-et-Marne)

      Pour les risques encourus:
      La violation des règles de cumul d’activités peut faire l’objet de poursuites disciplinaires et donner lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites, par voie de retenue sur le traitement.
       article L.123-9 du Code Général de la Fonction Publique
       TA de Paris, n°700522/2-2 du 12 juillet 2018
      Lorsque l’avis d’incompatibilité ou de compatibilité avec réserves n’est pas respecté :
      – L’agent public peut faire l’objet de poursuites disciplinaires
      – le fonctionnaire retraité peut faire l’objet d’une retenue sur pension, dans la limite de 20 % du montant de la pension versée, pendant les trois ans suivant la cessation de ses fonctions
      – l’administration ne peut procéder au recrutement de l’agent contractuel intéressé au cours des trois années suivant la date de notification de l’avis rendu par la Haute Autorité
      – il est mis fin au contrat dont est titulaire l’agent à la date de notification de l’avis rendu par la Haute Autorité, sans préavis et sans indemnité de rupture
      Ces mesures s’appliquent également en l’absence de saisine préalable de l’autorité hiérarchique.
       article L.124-20 du Code Général de la Fonction Publique
      Source CDG35

  4. Violette says:

    Bonjour.
    Merci de toutes ces informations.
    Je suis enseignante contractuelle à temps partiel pour 9 h hebdomadaire en conservatoire. Est ce possible de cumuler avec un temps complet 35h dans une structure privée (pour une activité qui n’est pas de l’enseignement artistique) ? . La duree maximum hebdomadaire de travail étant de 44h, il me semble. Sinon, quelles seraient le nombre d’heures max que je pourrais effectuer au conservatoire me permettant de travailler à temps plein dans la structure privée. Je vous remercie beaucoup.

    • Agnès says:

      Bonjour, Violette
      la durée maximale de travail est de 48 heures sur une même semaine OU 44 heures par
      semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives. Les agent.es (contractuel.les ou titulaires) dont la quotité horaire est
      inférieure ou égale à 70% d’un temps plein, ce qui est votre cas, peuvent cumuler avec une activité privée, avec une simple obligation
      d’informer l’employeur public (pas d’autorisation à demander).

  5. Catusse Steve says:

    Bonjour Agnès,
    Je suis actuellement fonctionnaire de la fonction publique hospitalière et auteur-compositeur interprète et producteur de musique actuelle. Je cherche à développer une activité privé en cumul de mon activité publique. Faire valoir l’ensemble de mes droits et les monétiser. Je cherche à savoir si j’ai le droit de m’inscrire à la Sacem en tant qu’auteur compositeur et éditeur, et de recevoir mes redevance, en étant fonctionnaire ? Et comment déclarer ces revenues ?

    • Agnès says:

      A priori il n’y a aucun problème ni aucune limite au cumul d’une
      activité d’auteur avec le statut de fonctionnaire. Les revenus d’auteur
      ne sont pas des salaires mais des revenus patrimoniaux.
      Fiscalement ils se déclarent dans « traitements et salaires »
      s’ils sont précomptés par le diffuseur (c’est le cas des revenus SACEM),
      sinon en bénéfice non commerciaux .
      La fiscalité propre au droits d’auteur se trouve consultable sur le site de la SACEM:
      http://www.sacem.fr

      • Orget says:

        Bonjour Agnès,
        Je suis agent de la fonction publique territoriale et je suis Autrice compositrice interprète.
        Pour les oeuvres de l’esprit, je suis à la SACEM et tout va bien.
        Néanmoins, pour me produire sur scène, réaliser des ateliers d’écriture, j’ai fait une demande à ma collectivité. Puisque je suis à temps partiel et qu’il s’agit du domaine culturel, je pensais que ça relèverait des activités accessoires. Au final, la déontologie indique que je dois créer une auto-entreprise. Seulement, pour cela il faut à priori avoir le statut d’organisateur de spectacle.
        Vraiment je ne comprends pas.
        Les informations sont opaques et les témoignages sont inexistants.
        Qu’en pensez-vous?

        • Agnès says:

          Bonjour,
          pour vos concerts, il y a un contrat donc vous devenez salariée de celui qui diffuse ou produit le concert même si vous ne rentrez pas dans les annexes 8 et 10. Vous ne pouvez pas être votre propre employeur en étant sur scène.
          Pour vos ateliers, vous pouvez être auto entrepreneuse si vous le voulez pour pouvoir facturer votre service de cours.
          Sandrine

        • Tajasque says:

          Bonjour je suis agent territoriale en évènementiel mise en place de podium et de table et de chaises , sonorisation de discours . Et à côté j ai une une activité de dj . Ma commune peut elle m engagée en temps que dj pour des animations musicales par ma micro entreprise. Sachant que ça n interfaire pas avec les fonctions de ma fiche de poste.

  6. Laurent CAFFET says:

    Bonjour,
    je suis ATEA à 115%, une collègue me demande de la remplacer pendant son congé maternité.
    Je suis employé par deux collectivités, l’une me dit oui, l’autre refuse au titre des 115% et c’est mon employeur principal . Qui a raison, quel texte de loi comme référence.
    Merci d’avance.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.