Les signataires de la convention collective nationale de l’édition phonographique ont gagné tous les procès que la SPEDIDAM leur a intentés

Dans un communiqué daté du 29 janvier 2019 et visiblement adressé par courriel à l’ensemble de ses sociétaires le 22 février, la SPEDIDAM (Société de Perception et de Distribution des Droits des Artistes Interprètes) prétend que dans un arrêt du 24 janvier 2019 la Cour d’Appel de Versailles lui aurait donné raison face aux signataires de la convention collective nationale de l’Edition Phonographique.
La vérité est tout autre.
Quant à nous, nous mettons l’arrêt en libre téléchargement sur notre site internet afin que chacun juge sur pièces (ici).
Avec la dénonciation en 1993 de la précédente convention collective, la situation des artistes-musiciens a été catastrophique pendant de longues années. Les producteurs ne faisaient travailler que ceux qui acceptaient la cession de tous leurs droits sans réelles contreparties. Il n’existait aucun minimum garanti, ni pour la rémunération des séances d’enregistrement, ni pour la cession des autorisations. Certains ont bien essayé à l’époque de faire dire à la justice que les contrats étaient illégaux, mais en vain : il n’y avait pas de convention collective pour empêcher la cession de tous les droits à n’importe quel prix. Paradoxalement, alors que la signature d’une convention collective le 30 juin 2008 venait enfin garantir des rémunérations notamment aux musiciens et aux chanteurs, le texte a été attaqué par la SPEDIDAM dès sa signature. Celle-ci déniait aux syndicats le droit de négocier pour les artistes.
Après avoir plaidé devant le Tribunal de Grande Instance de Paris la nullité de l’annexe consacrée aux artistes musiciens et artistes choristes, la fraude à la négociation collective, la fraude aux droits des artistes interprètes et demandé que les signataires soient condamnés à 5,5 millions d’euros de dommages et intérêts, la SPEDIDAM a été totalement déboutée par cette juridiction le 26 mars 2013. Après avoir saisi la Cour d’Appel elle n’a obtenu qu’une décision qui confirmait la quasi-totalité de la première le 9 octobre 2014. La Cour de Cassation, saisie ensuite par la SPEDIDAM, a de nouveau repoussé les demandes de l’organisme de gestion collective le 15 mars 2017 en validant l’ensemble du dispositif de la convention collective à l’exception du “cachet de base” au motif que ne pouvaient être fondues en une seule somme la rémunération du travail d’enregistrement et la rémunération d’une autorisation au sens de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle. La Cour d’Appel de Versailles vers laquelle l’affaire a alors été renvoyée a suivi la Cour de Cassation et a donc annulé les stipulations de la convention collective relatives au cachet de base. Mais, dans un souci de sagesse, la Cour d’Appel de Versailles a limité les effets de cette annulation dans le temps : l’annulation n’a pas d’effet rétroactif et ne s’appliquera qu’au 1er octobre 2019. Les contrats conclus avec les artistes avant cette date ne sont donc pas remis en cause. La décision laisse le temps aux partenaires sociaux de mettre la convention collective en conformité avec la loi. La négociation doit commencer sous peu. Par ailleurs, la SPEDIDAM réclamait encore 911 207 € de dommages et intérêts aux signataires de la convention collective. La SPEDIDAM a été totalement déboutée sur ce point car, si le cachet de base est irrégulier, les juges ont estimé que les syndicats signataires n’ont pas commis la moindre faute.

Disons-le, les 10 ans de procédures contre la convention collective nationale de l’édition phonographique sont un échec complet pour la SPEDIDAM. Rappelons au passage que ce texte, outre des montants minimums pour chaque autorisation cédée au producteur d’un phonogramme, institue un dispositif parfaitement inédit au bénéfice des artistes musiciens et choristes : des rémunérations complémentaires proportionnelles aux recettes d’exploitation qui génèrent environ 350 000 € de droits versés chaque année par les producteurs au profit des artistes. Quant à la rémunération du streaming, nous rappelons que nous avons signé en octobre 2015 le protocole d’accord pour un développement durable de la musique en ligne à l’issue de la médiation menée par Marc Schwartz et qui contenait le principe d’une garantie de rémunération minimale (GRM) au bénéfice des artistes interprètes pour l’exploitation de leur musique en streaming. Celle-ci a été transcrite dans la loi sous la forme de l’article L212-14 du code de la propriété intellectuelle en juillet 2016 mais ne s’applique pas encore faute d’accord sur son montant avec les producteurs. Les négociations doivent reprendre très rapidement et, faute d’accord, l’Etat fixera le montant “de manière à associer justement les artistes-interprètes à l’exploitation des phonogrammes” comme le prévoit la loi. Les musiciens peuvent donc s’attendre à ce que le dispositif de la GRM se mette en place d’ici quelques mois et donc de percevoir des rémunérations adossées aux recettes du streaming. Depuis ces dix dernières années, la SPEDIDAM n’est à l’origine d’aucun nouveau droit pour les artistes musiciens. Ce n’est pas le cas des syndicats qui, comme le nôtre, se sont engagés en signant la convention collective nationale de l’édition phonographique en 2008 ou les accords Schwartz en 2015. La SNAM-CGT est à la disposition de tous les partenaires pour continuer le débat, avancer des éléments contradictoires et éclairer les artistes sur la réalité de leurs droits.

Le 26 février 2019

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