Interview de Franck Riester (Télerama.fr)

“Interpellé de toutes parts pour sa “non gestion” des conséquences de la pandémie, le ministre répond à “Télérama”, à la veille de la conférence que doit tenir Emmanuel Macron sur le sauvetage de la culture.

Une pétition d’artistes directement adressée au président de la République via Le Monde pour se plaindre de son ministre de la Culture et lui demander de prendre les choses en main, un « avis de recherche » dudit ministre ironiquement lancé sur les réseaux sociaux… Depuis sa nomination au portefeuille de la Culture en octobre 2018, Franck Riester subit aujourd’hui les pires camouflets de sa brève carrière ministérielle. Et les reproches quasi unanimes d’une profession anéantie par les conséquences du coronavirus et de la nécessaire politique sanitaire pour le combattre.

Fermeture de 2 000 cinémas, 2 500 salles de musique, 1 000 théâtres, 1 200 musées, 3 000 librairies, 16 000 bibliothèques, arrêt de la plupart des 3 000 festivals d’été… Comment les 274 000 intermittents du spectacle que compte la France de 2020 pourront-ils accumuler les 507 heures de travail annuel qui leur donnent droit à des allocations-chômage ?

Certains parlent de véritable « tsunami social et culturel », de la mort annoncée de lieux, de jeunes compagnies, d’associations. Et le ministre semble aux abonnés absents depuis de longues semaines. De quoi l’accuser d’un manque de soutien aux professions inquiètes qui font la culture. D’un manque de clarté sur la réouverture d’espaces culturels déjà éprouvés par les grèves contre la réforme des retraites. D’un manque d’ambition quant aux moyens affectés à un secteur aussi essentiel à notre vie individuelle et collective, festive et spirituelle, qu’à notre vie économique et touristique. D’un manque de vision, enfin, pour les années à venir, où rien sans doute ne sera pareil. Nous avons voulu l’interroger.

Vous avez été une des victimes du coronavirus. Comment allez-vous ?
Je vais bien, même si le virus m’a sonné pendant plusieurs semaines avec ces hauts, ces bas, ces fatigues que décrivent tous les malades. De quoi mesurer personnellement la nécessité des mesures de prévention et de confinement. Mais je préfère ne pas m’appesantir sur ce sujet. Je ne souhaite pas qu’on puisse me reprocher de m’en servir pour me justifier. J’ai eu l’extrême chance de ne pas être hospitalisé.

Pourquoi être resté si longtemps silencieux ?
Pour le gouvernement, pour nous tous, la priorité absolue était la gestion de la crise sanitaire. Mais pendant ce temps-là, je travaillais avec mes équipes, rencontrais les syndicats, les professionnels de la culture, réfléchissais avec le Centre national du cinéma et beaucoup d’autres. J’organisais le système de prêt garanti par l’État, l’accès au chômage partiel dans les entreprises culturelles, l’annulation des charges sociales – salariales et/ou patronales pour certaines –, le report de paiement d’une taxe sur chaque billet de cinéma… Et puis, je n’ai pas été si silencieux : une semaine avant la tribune des artistes dans Le Monde, j’accordais moi-même au quotidien une interview, comme à France Inter. La communication politique est toujours complexe.“La crise va durer. Le retour à la normale n’est pas pour tout de suite.”

Dans les grandes circonstances culturelles, c’est le président de la République qui prend la parole. On attend ses déclarations demain, mercredi 6 mai, sur la culture. Pourquoi n’est-ce pas vous ? Le ministère de la Culture n’en est-il pas affaibli ?
On ne peut pas reprocher à la fois au président de se désintéresser de la culture – comme certains professionnels le disent – et de prendre la parole ! C’est normal qu’il fixe le cap sur la base d’un travail que je fais depuis des semaines avec des équipes très mobilisées. Je me réjouis qu’il prenne la parole. Quant aux attaques ou caricatures dont j’ai fait l’objet, ne pas les supporter serait le signe que je ne suis pas taillé pour la politique. J’essaie plutôt de m’en servir, d’être à l’écoute de ce qui est dit. Je n’ai pas suffisamment martelé, sans doute, ce que je souhaitais faire. Mais peu importe. Seul compte de résoudre les problèmes des créateurs, des auteurs, des intermittents du spectacle, des responsables de lieux pour les remettre devant leur public. D’imaginer des solutions pour les salles dont la jauge, trop énorme, ne permettra pas avant longtemps la venue des spectateurs. D’avoir de la souplesse pour continuer de faire venir les artistes étrangers, de soutenir ceux qui ont des idées. Bref, ne laisser personne sur le bord de la route.

Allez-vous accorder aux intermittents du spectacle l’année blanche qu’ils réclament ? Soit considérer que 2020 n’a pas existé, et reprendre l’année 2019 comme année de référence de leur travail ?
Je mesure leur détresse, leur angoisse, mais la bande passante des décisions est longue. Avec le groupe d’assurances Audiens, nous avons créé un fonds de soutien pour ceux qui seraient exclus du dispositif d’allocations. L’État sera au rendez-vous. Car la crise va durer. Le retour à la normale n’est pas pour tout de suite. Il ne faut pas se mentir. Et à tout prix préserver l’intermittence. Mais tout ne se décide pas en deux mois. Il faut du temps pour bâtir pareil dispositif d’accompagnement.

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