« Pour un nouveau pacte symphonique » (La Lettre du musicien)

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Avec l’aimable autorisation de la Direction de La Lettre du musicien

La mission sur les orchestres permanents français préconise une meilleure répartition de l’offre symphonique sur le territoire, une évolution des conditions de travail et une plus forte visibilité des phalanges. Décryptage.

Après la mission sur les opéras conduite par Caroline Sonrier, c’est au tour de celle sur les orchestres de rendre ses conclusions au ministère de la Culture. Intitulé « Pour un nouveau pacte symphonique », ce rapport a été réalisé par Anne Poursin, ancienne directrice de l’Orchestre national de Lyon et désormais cheffe de l’inspection de la création artistique au ministère de la Culture, et Jérôme Thiébaux, professeur d’éducation musicale, qui a notamment été responsable de la médiation de l’Orchestre Victor Hugo Franche-Comté. Leur rapport souligne de prime abord les atouts du paysage des orchestres permanents français : « l’excellence artistique », « l’attention portée au jeune public », « la présence numérique renforcée »…Mais très vite, les auteurs pointent les limites et formulent d’intéressantes préconisations. 

« Présence limitée de la création contemporaine »

A commencer par la « présence limitée de la création contemporaine ».Les auteurs notent que celle-ci laisse désormais la place à des formes d’expression liées aux musiques actuelles ou à la musique de film. Mais la création de musique savante est bel et bien le parent pauvre. Autre point à améliorer, selon Anne Poursin et Jérôme Thiébaux : « La sous-représentation des femmes dans le domaine de la composition »,dans la création comme dans le matrimoine, alors que l’évolution est selon eux par contre salutaire en ce qui concerne les cheffes d’orchestres. En matière d’éducation artistique, le rapport observe à juste titre le positionnement « paradoxal »des musiciens, qui bien qu’investis dans ce domaine, craignent parfois que ces actions individuelles viennent mettre à mal le travail régulier, en collectif, de l’orchestre.Le manque de lieu est aussi l’un des points noirs du rapport. Beaucoup d’orchestres ne possèdent pas leur propre salle de concert, ce qui complique l’organisation des répétitions comme des actions pédagogiques. Dans ce but, le rapport préconise de transformer et compléter le réseau des salles. 

« Absence dans les villes moyennes et dans les zones rurales »

La répartition géographique de l’offre est aussi étudiée de près. Et le constat est sévère : les disparités sont parfois extrêmes, avec sept orchestres en Île-de-France et une absence totale en Centre-Val-de-Loire (l’Orchestre de l’Opéra de Tours n’entre pas dans la catégorie des orchestres permanents) ou en Corse. Le rapport dénonce aussi « la faible présence voire l’absence de ces formations dans les villes moyennes et dans les zones rurales ». Pour améliorer cette situation, il faudrait que les orchestres puissent, selon les auteurs, mieux circuler, notamment dans le réseaux de diffusions pluridisciplinaires, comme les scènes nationales, dont la programmation est encore très souvent concentré sur le théâtre. 

« Faible possibilité d’évolution de carrière »

Les conditions de travail doivent elles aussi être améliorées. Si le rapport souligne le recrutement de musiciens de très haut niveau, comme le montre d’ailleurs le nombre exponentiel de candidats aux concours d’orchestres, il regrette « la faible possibilité de mobilité, de formation continue et d’évolution de carrière ». Travailler sur le parcours des artistes, de l’insertion à la fin de carrière est une préconisation du rapport. « Les gouvernances laissent peu de place au partage », observent les auteurs. Il faudrait donc passer d’un management encore très vertical à une gestion plus horizontale, en écho aux évolutions globales en matière de ressources humaines. Le retard des phalanges symphoniques est ici manifeste.

« Clarifier l’environnement juridique »

La diversité de statut juridique des orchestres peut aussi être un frein dans leur développement et dans la cohérence du réseau. Chaque orchestre ou presque est un cas à part. Dans ce but, les auteurs préconisent de « clarifier l’environnement juridique des orchestres ».Seul regret à la lecture des préconisations : Anne Poursin et Jérôme Thiébaux abordent trop peu la question du modèle économique. Comment peut-il évoluer, d’autant que, dans ses prévisions rendues à la commission européenne, le gouvernement français envisage pour les prochaines années le retour à l’austérité, avec moins d’investissement public. Il n’empêche : le rapport Poursin-Thiébaux donne un grand nombre de pistes qui pourront être débattues lors du prochain forum des orchestres, qui se tiendra en décembre prochain à l’Arsenal de Metz.

Antoine Pecqueur

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