Une rentrée inégale (Artiste enseignant SNAM)

Image par Ri Butov de Pixabay

Nous l’attendions depuis des mois, le document de cadrage sanitaire du ministère de la culture pour les conservatoires et écoles de musique et de danse est paru le 7 septembre. Après le soulagement de disposer enfin d’un document national officiel, la lecture de son contenu n’est hélas pas à la hauteur de nos espérances.

Dès la première page, on est choqué par la date et le titre: 7 septembre–préparation de la rentrée. Pour une boulette, elle est belle. Si les structures d’enseignement artistique avaient attendu le 7 septembre pour préparer la rentrée… personne ne serait rentré du tout. D’ailleurs, certains collègues avaient déjà commencé les cours à cette date. Quel manque de connaissance du terrain. Même dans une école de musique d’un petit village, la préparation de la rentrée commence en juin.

Heureusement, la suite apporte enfin des précisions officielles qui prennent en compte les spécificités de nos enseignements: musique, danse, art dramatique, cirque. Mais diverses imprécisions demeurent.

Les locaux doivent être nettoyés-désinfectés régulièrement : oui, mais le mercredi qui est souvent très fréquenté par nos publics n’est pas ciblé. Dans un studio de danse, avec un nettoyage seulement quotidien, les élèves du mercredi soir ont bien plus de chance d’être contaminés que ceux du matin. Quant à l’enseignant, le risque est énorme.

Le brassage des populations en terme géographique et en termes d’âges n’est pas traité.

Concernant la pratique du chant choral, le texte fait référence à un avis du Haut Conseil à la Santé Publique en date du 20 avril 2020. Pourtant ce même HCSP a publié depuis deux autres avis en date du 23 juillet et du 20 août derniers, concernant la transmission du virus par aérosol qui est non seulement avéré, mais dont les paramètres de diffusion sont en plus très incertains. Les pratiques chorales sont citées. Il est aussi indiqué «de porter systématiquement un masque dans les salles d’enseignement.»

Pour les instruments partagés, certes des recommandations pour le piano sont indiquées. Mais pour les contrebasses, par exemple, le document renvoie au guide des bonnes pratiques de l’Institut technologique européen des métiers de la musique. On peut y lire que pour nettoyer et désinfecter la touche, il convient de retirer les cordes. On peut lire aussi dans les bons gestes de prévoir une mise en quarantaine de l’instrument entre 6 et 9 jours. La mise en pratique de ces recommandations, au quotidien, n’est tout simplement pas concevable.

Toutes ces recommandations, finalement, donnent des préconisations précieuses pour se protéger d’une contamination, mais pas pour faire diminuer ce risque de contamination au point de mettre en sécurité les personnes, et notamment les personnes au travail.

Les masques sont obligatoires. Pourtant des employeurs n’en fournissent toujours pas aux salariés. La solution hydro-alcoolique est disponible… Mais souvent seulement à l’entrée de l’établissement, alors qu’il en faudrait dans chaque salle de cours.

Les conditions de travail des enseignants artistiques, depuis un an, sont extrêmement dégradées. En terme de quantité de travail, les nouvelles conditions de cette rentrée 2020 nous apportent d’énormes contraintes supplémentaires.

Tout ce temps de travail en plus doit être considéré partout comme du temps de travail dans la mesure où les salariés «sont à la disposition de leur employeur et doivent se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.»

Certes, si la pandémie est nationale, son évolution territoriale nécessite une réponse sanitaire adaptée géographiquement. Cependant il est choquant de constater qu’à quelques kilomètres de distance, ici l’orchestre reprend , alors que son voisin non. Idem pour la chorale ou la danse.

Le SNAM, au cours des derniers mois, a pris la décision de ne pas publier de préconisations sanitaires spécifiquement adaptées à notre profession. D’une part, nous ne sommes pas membres du corps médical. D’autre part, à la lecture des nombreuses publications de cette nature, qui pouvaient être contradictoires, qui étaient officielles ou pas, qui pouvaient être adaptées à une période de la pandémie mais pas à une autre, dans le flot des informations qui n’informaient plus, nous n’avons pas rajouté du flou au flou ambiant.

Pour finir, nous n’avons pas voulu exposer nos adhérents à un risque juridique tout simple. En effet, en cas de problème de contamination ou autre, un protocole sanitaire syndical n’a aucune valeur juridique.

Cette rentrée 2020 est aussi une rentrée sociale qu’il ne faut en aucun cas oublier. Dans nos métiers aussi, la précarité persiste, les CDD qui se multiplient indûment, la réforme des retraites du secteur public est loin d’être enterrée, le service public continue d’être sacrifié, des postes sont supprimés. Dans le secteur privé, alors que les suppressions d’heures menacent, l’activité partielle de longue durée pourrait s’installer et limiter à peine les dégâts des pertes durables d’élèves et de cours.

Le plan du gouvernement de 100 milliards aurait pour priorité la préservation de l’emploi. Nous constatons au quotidien que c’est nous, salariés, qui devons nous battre pour défendre nos activités, et donc nos emplois, ceci quel que soit notre statut.

Brigitte BOURMAULT – Marc PINKAS

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