Avec l’aimable autorisation de la Direction de la Lettre du musicien
Instauré en 2008, le régime de l’auto-entrepreneur – appelé aujourd’hui micro-entrepreneur – avait pour but d’encourager la création d’entreprise en simplifiant les démarches administratives. On assiste toutefois à un recours abusif à ce régime, dans les secteurs tant privé que public, qui fragilise les musiciens.
Le risque de requalification du contrat
Tandis que le musicien salarié est subordonné à son employeur, le musicien auto-entrepreneur est autonome dans l’exercice de son activité. Il est même présumé être un travailleur indépendant (art. L. 8221-6 du Code du travail*). Cette présomption peut toutefois être renversée. En cas de litige, le juge n’est pas lié par l’intitulé que les parties ont donné au contrat.
Un contrat de prestation de services peut être en réalité analysé comme un contrat de travail. Ce qui importe, ce sont les conditions réelles dans lesquelles le musicien exerce son activité. Le juge recherchera alors, à travers un faisceau d’indices, s’il existe ou non un lien de subordination. Le fait d’imposer au musicien un emploi du temps précis ou le respect de consignes, de lui fournir du matériel et des équipements est susceptible de caractériser un état de subordination et donc l’existence d’un contrat de travail. Le fait que le musicien auparavant salarié du privé ou vacataire soit devenu auto-entrepreneur, tout en conservant des missions et des conditions de travail identiques, peut aussi faire douter de la réalité d’une relation de travail non salariée. Dans ce cas, le juge peut prononcer la requalification de la relation de travail en CDI.
La présomption de salariat
Le recours au statut d’auto-entrepreneur concerne les musiciens, principalement, dans l’exercice de leurs activités d’enseignement. Dans ce cas, ils peuvent en parallèle bénéficier du statut d’intermittent du spectacle. Dans l’exercice de leurs activités artistiques proprement dites, le risque de requalification du contrat est accru, car le musicien est présumé salarié (art. L. 7121-3) et cette règle est très difficile à renverser (art. L. 7121-4).
Le risque de condamnation pour travail dissimulé
Le recours aux “faux travailleurs indépendants” caractérise une situation de dissimulation d’emploi salarié (art. L. 8221-5 et s.). C’est généralement à l’occasion d’un contrôle de l’Urssaf que le recours abusif au statut d’auto-entrepreneur est constaté. Si l’infraction est caractérisée, l’employeur s’expose à des sanctions très lourdes (amende, peine d’emprisonnement, paiement des cotisations sociales). Aussi, une rupture du contrat peut être analysée comme un licenciement sans cause réelle, et le musicien peut solliciter les indemnités y afférentes ainsi que des dommages-intérêts. Quant au musicien, il sera rarement sanctionné. Il peut toutefois être tenu de rembourser les prestations sociales ou les allocations-chômage qu’il aurait perçues indûment.
Si le statut de l’auto-entrepreneur poursuit un objectif louable, il est devenu un moyen de contourner le droit du travail et les règles de la fonction publique. Il précarise les musiciens en faisant porter sur eux les risques de leur activité. Les pouvoirs publics devraient se mobiliser davantage pour réaffirmer les règles légales, les risques encourus et aussi sécuriser l’activité de ceux qui ont réellement choisi d’être indépendants.
*Tous les articles cités sont tirés du Code du travail.
Johanna Bacouelle