Violences sexiste ou sexuelle sur le lieu de travail (La Lettre du musicien)

Avec l’aimable autorisation de la Direction de La Lettre du musicien

La lutte contre les violences à caractère sexiste ou sexuel est l’un des objectifs prioritaires du ministère de la Culture. En début d’année, le ministère a annoncé le lancement d’un plan de lutte dans trois secteurs prioritaires : le spectacle, les arts visuels et le livre.

Les langues se délient et plusieurs affaires ont éclaté au grand jour dans le mileu culturel et notamment musical. Le ministère de la Culture est devenu proactif. En effet, il n’hésite plus à dénoncer lui-même auprès du procureur de la république des faits de violences sexistes ou sexuelles.

En pratique, il est parfois difficile d’arriver à qualifier une situation de violences dont on est témoin ou même victime. Sont ici présentées les définitions légales figurant dans le Code du travail et le Code pénal afin de mieux identifier ce que recouvrent ces notions.

Comment reconnaître l’agissement sexiste ?

L’agissement sexiste et son interdiction dans le cadre des relations de travail ont été codifiés en 2015 : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant. »

Le Conseil supérieur à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes a illustré les situations professionnelles que cela recouvre :

  • les remarques et blagues sexistes ;
  • les incivilités à raison du sexe dont notamment ne pas donner ou couper la parole d’un collège ;
  • la police des codes sociaux du sexe (ex : critiquer une femme parce qu’elle n’est pas « féminine » ou un homme parce qu’il n’est pas « viril ») ;
  • les interpellations familières (ex : s’adresser à une femme en employant des termes tels que « ma petite », « ma belle ») ;
  • la fausse séduction (ex : faire des remarques appuyées sur la tenue ou la coiffure) ;
  • les considérations sexistes sur la maternité ou les responsabilités familiales (ex : souligner la non-disponibilité d’un ou d’une salariée en soirée car il ou elle doit s’occuper de ses enfants).

L’auteur d’un agissement sexiste risque une sanction disciplinaire de son employeur. L’employeur n’ayant pas réagi peut, par ailleurs, voir sa responsabilité engagée et être poursuivi par la victime sur le fondement de son obligation renforcée de santé et de sécurité.

Comment repérer le délit pénal d’outrage sexiste ?

En 2015 a été créée une nouvelle infraction pénale, l’outrage sexiste. L’outrage sexiste consiste à imposer à une personne un propos ou un comportement à connotation sexuelle ou sexiste, qui porte atteinte à sa dignité en raison de son caractère dégradant ou humiliant, ou l’expose à une situation intimidante, hostile ou offensante. La caractérisation de l’infraction ne nécessite aucune répétition des faits. L’outrage est une infraction qui peut être punie d’une amende pouvant aller jusqu’à 750 €. Le fait qu’une personne ait abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions constitue une circonstance aggravante de l’infraction portant le risque d’amende à 1 500 € (3 000 € en cas de récidive).

Comment identifier le délit de harcèlement sexuel ?

La loi distingue deux types de harcèlement selon qu’il s’agit de faits répétés ou d’un acte unique.

Le premier type de harcèlement sexuel est caractérisé en cas de propos ou comportements à connotation sexuelle non désirés et répétés. Il s’agit de tout propos, exprimé de vive voix ou par écrit, ou de tout acte (gestes, attitudes etc.) à connotation sexuelle qui sont imposés par abus d’autorité.

Il suffit que les comportements revêtent une connotation sexuelle, ce qui n’exige donc pas qu’ils présentent un caractère explicitement et directement sexuel.

Le second type de harcèlement sexuel vise le « chantage sexuel », à savoir, le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle. Le harcèlement peut, en outre, « consister en un harcèlement environnemental ou d’ambiance où, sans être directement visée, la victime subit les provocations et blagues obscènes ou vulgaires qui lui deviennent insupportables ». La peine encourue est de 2 ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende. Le fait qu’une personne ait abusé de l’autorité que lui confèrent ses fonctions constitue une circonstance aggravante de l’infraction portant la peine d’emprisonnement encourue à 3  ans et le risque d’amende à 45 000 €.

Réagir en tant qu’employeur à une situation de violences sexiste ou sexuelle

Le ministère du Travail recommande d’accuser réception du signalement puis d’organiser rapidement un entretien avec la victime présumée. Cet entretien permettra d’analyser la situation et de qualifier le comportement en cause.

En cas d’absence d’infraction identifiée, le signalement peut néanmoins révéler un dysfonctionnement dans les relations de travail. Il pourra alors être utile de mettre en place des espaces de dialogue réguliers pour aborder les difficultés rencontrées. En aucun cas, l’auteur du signalement ne doit être sanctionné, sauf intention de nuire.

Lorsqu’un employeur identifie en revanche une situation de violence constituant un agissement sexiste, alors une sanction disciplinaire doit être prise.

En cas de suspicion de harcèlement sexuel, l’employeur doit diligenter une enquête interne. Les informations et témoignages recueillis sont confidentiels. Légalement, la procédure d’enquête n’est obligatoire que si l’employeur est saisi par un membre de la délégation du comité social et économique (CSE). Toutefois, cette enquête sera indispensable pour attester que toutes les mesures de prévention ont été prises par l’employeur compte tenu de son obligation de santé et de sécurité.

Les personnes auditionnées dans le cadre de l’enquête interne seront : la victime présumée, la personne à l’origine du signalement (si différente de la victime), la personne mise en cause, les témoins, les responsables hiérarchiques, et toute personne demandant à être auditionnée ou dont l’audition est souhaitée par la victime ou la personne mise en cause.

En outre, il est déconseillé de procéder à une confrontation entre victime et auteur présumés. Le rapport conclusif d’enquête établira l’existence ou non d’un harcèlement sexuel.

« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner ».

En cas de suspicion de harcèlement sexuel, l’employeur dispose d’un délai de 2 mois à compter du jour où il a eu connaissance des faits fautifs pour engager des poursuites disciplinaires, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. L’employeur ne doit pas attendre l’issue du procès au prud’hommes pour sanctionner l’auteur des faits. En revanche, en cas de poursuites pénales, ce délai est suspendu. Il commencera à courir à compter de la date à laquelle l’employeur aura pris connaissance de la décision définitive de justice.

La procédure pénale n’empêche pas l’employeur de procéder à une enquête interne et, le cas échéant, il pourra prononcer une mise à pied conservatoire, dans l’attente de l’issue du procès.

Témoin d’une situation de harcèlement sexuel, comment signaler ?

Le signalement peut se faire selon la procédure prévue par l’entreprise. À défaut d’une procédure établie, vous pouvez alerter : votre responsable hiérarchique, un membre du service des ressources humaines, le référent « lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes » s’il en existe, l’employeur, un membre de la délégation du CSE ou encore contacter la cellule d’écoute dédiée dans le spectacle mise en place par la FESAC, cinq organisations syndicales, le CNC et Audiens.

Chloé Chatté

Contact pour alerter en cas de violences sexuelles ou sexistes dans la culture :
01 87 20 30 90 ou par mail sur violences-sexuelles-culture@audiens.org.

1. Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

2. Article le Code du travail à l’article L. 1 142-2-1.

3. Rapport du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes publié le 6  mars  2015 « Le sexisme dans le monde du travail – entre déni et réalité ».

4. Loi n° 2018-703 du 3  août  2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

5. Article 621-1 du Code pénal.

6. 1° de l’article 1153-1 du Code du travail.

7. 2° de l’article 1153-1 du Code du travail.

8. Cour d’appel d’Orléans, chambre sociale, 7 février 2017, n°15/02566.

9. Article 222-33 du Code pénal.

10. Guide pratique et juridique du ministère du Travail « Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner » (page 24).

11. Article L. 1153-5 du Code du travail.

12. Article L. 1332-4 du Code du travail.